Histoire du statut de l’enfant.
« Enfant », qui vient du latin « infans » (in, privatif, et fari, parler), signifie chez les Romains « celui qui ne parle pas », ce qui illustre très bien la place de l’enfant sous l’Antiquité, relégué alors au statut de « non citoyen ». L’éducation à cette époque applique donc une logique de » dressage » des enfants, considérant ces derniers comme des êtres dénués de réflexion, de logique ou encore d’intelligence propre. Ils apparaissent avec un esprit vide, sans lois pour le régir. Les adultes se retrouvent donc avec la responsabilité de remplir, guider et commander ces petits esprits. Il en est de même pour leur corps.
Ainsi, les nourrissons se retrouvent bâillonnés dans du linge pour qu’ils ne bougent pas. Au contraire, au Moyen Age, l’enfant est considéré comme un petit homme. Aucune distinction ne sépare l’enfant et l’adulte. Aucune tranche d’âge n’existe. L’enfant ne bénéficie pas par conséquent de protection ou de droit spécifique. Il n’est que rarement séparé des mœurs et tribulations des adultes et rentre très rapidement dans le monde du travail. Souvent victimes de châtiments corporels donnés par des parent tyranniques et autoritaires, les enfants étaient souvent perçus comme des charges s’ils n’étaient pas costaux afin d’assurer la main d’œuvre dans les champs. Pour les nobles il était question d’assurer la descendance de la famille. Représentant l’enfant comme résultat du péché originel de ses parents, la Chrétienté renforce l’image de l’enfant comme étant celle d’un être non réfléchi, petit diable sans intelligence et d’instinct mauvais. A cette époque, l’enfant n’a pas sa place dans l’histoire, ni dans la politique, la guerre ou au sein d’une structure sociale. Il fait partie du foyer, du domaine privé, c’est l’équivalent d’un objet. Il s’y ajoute un sentiment d’orgueil de l’adulte associé à l’enfant, puisque l’adulte se représente comme agissant pour son bien, se sacrifiant. En retour, un respect et une véritable soumission sont exigés de l’enfant. Les riches confiaient leurs enfants à des nourrices. L’attachement aux enfants ne s’autorisait que vers l’âge de 3 ans quand les risques de décès étaient moins élevés.
L’enfant au travail : formulation des premiers droits C’est à partir du XVIIIème siècle et surtout au XIXème que l’enfant commence à avoir un statut à part entière. L’apparition de la conception de la famille bourgeoise centrée sur le foyer autant matériel qu’affectif où le nourrisson tient une place centrale, change profondément le regard porté sur l’enfant et les comportements des adultes envers celui-ci. Mais la révolution industrielle et le développement du capitalisme sauvage transforment cette toute nouvelle considération en une main d’œuvre docile et exploitable. Les enfants se retrouvent exploités dans les mines, les forges, les ateliers et fabriques. Quinze heures par jour, pour une rémunération en moyenne quatre fois moins importante que celle d’un homme, ils sont largement utilisés jusqu’à composer plus du tiers des effectifs dans de nombreuses filatures anglaises.
Ce n’est que milieu du XIXème qu’apparaît une réelle prise de conscience, donnant naissance à une première législation de protection de l’enfant au travail. La loi de 1841 fixe en France l’âge minimum du travail à 8 ans et la durée maximum à douze heures par jour. En 1874, l’âge minimum passe à 12 ans et le travail sous terre est interdit pour les enfants, réduisant considérablement l’utilisation de la main d’œuvre enfantine. L’apparition simultanée d’une préoccupation éducative étatique, pédagogique et cléricale associée à la baisse de la mortalité enfantine grâce aux progrès de l’ère pastorienne permet une évolution considérable du statut de l’enfant. La guerre de 1870, par un élan populiste et nationaliste face à l’invasion prussienne, améliore encore le rôle social de l’enfant. La loi de 24 juillet 1889 entend protéger les enfants maltraités et moralement abandonnés. Celle de 1898 prévoit l’aggravation de la peine lorsque l’auteur du délit est l’ascendant ou le gardien de l’enfant.
Ces deux avancées juridiques symbolisent la mise en marche d’une véritable reconnaissance du statut de l’enfant, lui conférant une place réelle.
L’enfant et l’école.
Jusqu’au XXème siècle les savoirs scolaires sont contrôlés par les pouvoirs politique et religieux. L’enfant est éduqué pour être un bon patriote. C’est au XVIIIème que Rousseau s’intéresse à la question de l’éducation sans intention didactique dans son ouvrage « Emile ou l’éducation » en 1762 .Il donne son point de vue sur ce qui est bon d’enseigner ou ce qui est préférable de taire. Après la deuxième guerre mondiale à l’initiative de savants et d’éducateurs se forme le GFEN (groupement français pour l’éducation nouvelle). Le principe, encore appliqué aujourd’hui, était de mettre l’élève au cœur des préoccupations et de le rendre autonome par ses propres expériences au lieu de subir son enseignement. L’enfant devient acteur autonome et responsable. Françoise Dolto (1908-1988) a longtemps plaidé pour la cause des enfants. Elle s’est intéressée de près aux relations entre corps et esprit et a apporté un regard nouveau sur la nécessité de l’épanouissement de l’enfant comme un être humain à part entière.
A partir des années 70, il y a une forte diminution des châtiments corporels. Les enfants sont aussi plus consultés quant à leurs avis. Au XXIème siècle on parle de l’enfant roi. Un enfant qui connaît peu de limites et qui obtient quasi tout ce qu’il désire, qui n’a aucune patience et qui ne peut jouer seul car en demande constante de toute l’attention des adultes. L’enfant veut tout, tout de suite et vit dans la course constante au plaisir immédiat. Les enfants rois devenus adolescents sont souvent contestataires et ceci plus par principe que par divergences d’opinions ayant appris le refus de l’autorité dans le fait que leurs parents aient abdiqué leur autorité des années auparavant.
N’y aurait-il pas un juste milieu dans tout cela ? A force d’avoir peur de ne pas être à la hauteur, d’en faire trop ou pas assez, nos enfants connaissent-ils encore leur place dans notre société ?